Studio123, une entreprise qui se développe complètement en télétravail depuis la pandémie

Par Fanny Joseph
22 juin 2022 — Créativité, Enjeux et technologies, Numérique, Web — 6 min

Studio123 est une agence de création et de design web située à Sudbury en Ontario. Cette entreprise travaille à accompagner les particulier·ères, les entreprises et les associations dans la conception graphique de leur image de marque et le développement de leur site web. Christian Pelletier, un des associés de Studio123 et également directeur artistique, a accueilli Avantage Numérique pour nous expliquer comment, depuis la pandémie, l’entreprise évolue complètement en télétravail.

 

AV – Peux-tu nous présenter Studio123 ?

CP – Je m’appelle Christian Pelletier, je suis un des associés chez Studio123, qui est une agence de création et de design web ici à Sudbury. On a lancé la boîte en décembre 2013, puis officiellement on a ouvert notre bureau au centre-ville en mai 2014. On travaille beaucoup en développement et en conception d’identité visuelle, le branding. Et tout ce qui est comme campagne autour, les gabarits pour les médias sociaux et tout ça. C’est vraiment là notre force de prendre cette identité visuelle puis de la rendre tangible et intégrée dans les systèmes à l’interne.

 

AV – D’où est venue l’idée de passer l’entreprise totalement en télétravail et quelles ont été les étapes pour effectuer ce changement ? 

CP – Le travail à distance faisait déjà partie de notre culture interne, mais c’est devenu une seconde nature depuis la covid. Quand la pandémie est arrivée, on avait déjà tous les outils en place. On était sur Slack, on s’envoyait des Google Meet pour des rencontres avec des client·es qui n’étaient pas à Sudbury, donc c’était très facile pour nous de faire la transition. Pour nous, honnêtement, tout s’est fait du jour au lendemain. Tout était en train de fermer. On a fait une rencontre à trois entre partenaires, puis on a décidé de fermer boutique. On pensait que c’était temporaire comme tout le monde, on a annoncé un jeudi soir qu’à partir de maintenant on allait travailler de chez nous.

Il y a eu une période de transition. Avant, on faisait nos rencontres d’équipe une fois par semaine dans le bureau. Puis là, on a fait des réunions d’équipe chaque matin pour recréer l’habitude. On fait tellement de travaux de communication pour d’autres client·es, qu’on s’est inventé des projets à l’interne pour se recentrer sur nous. On avait besoin de travailler sur notre propre site web, sur nos propres outils internes. Donc on a fait ce travail-là pendant que l’anxiété générale se promenait un peu partout. Puis après ça, quand le travail a recommencé à rentrer, on était habitué. On se servait de Slack, de toute la suite Google, de Trello pour la gestion de projets à l’interne. On a raffiné beaucoup de nos systèmes avec des logiciels comme Zapier puis tout ça. On a continué à développer les systèmes qu’on avait déjà. 

 

AV – Est-ce que ce changement a affecté la dynamique de l’entreprise et de l’équipe ?

CP – Il y a eu des changements au niveau de la collaboration, c’est devenu plus difficile. On est habitué à être ensemble pour les exercices de branding. Par exemple, pour trouver le nom d’une entreprise, on s’assoit ensemble, on jase, on fait de la recherche, on tombe dans les encyclopédies, on check les vieux mythes grecs, on fouille l’inspiration. Ce processus-là de brainstorm, amène toujours à un creux au bout d’un moment, où tout le monde est en réflexion, jusqu’à ce que quelqu’un dise une affaire et là ça flash et l’idée gagnante ressort.  Ça, c’est plus difficile sur un Google Meet ou un Zoom. Pendant ce moment de creux, on ne sait pas si les autres sont toujours là, on ne peut pas analyser le langage corporel des autres, voir qu’iels réfléchissent. On ne partage pas le petit moment de découragement avant l’étincelle. C’est à ce niveau-là que c’est le plus difficile. Avant la pandémie, on était une équipe vraiment très rodée, donc on a quand même pu s’adapter et continuer à faire ça. Mais moi ça me manque le fait d’être en personne pour ça.

 

AV – Peux-tu nous parler un peu plus du ressenti des employé·es ?  

CP – C’est sûr qu’il y en a qui ont trouvé ça plus difficile que d’autres, mais en général ça s’est très bien passé. Moi, j’ai l’avantage d’avoir une maison dans un beau petit quartier, mais il y en a d’autres qui sont en appartement donc c’est un peu moins évident. Puis aussi, faire la séparation entre le travail puis la job c’était déjà tough avant. Donc là, imagine que tu travailles dans le même espace où tu déjeunes. Mon chat n’a jamais été aussi heureux de me voir. Mais à part ça, c’est un peu Rock n Roll de faire cette distinction-là. Donc on a dû aussi rendre ça très clair auprès des employé·es. On leur a dit de prendre leur heure de lunch, de finir à 5h, puis même si on allait leur envoyer un courriel dans la soirée, qu’iels ne se sentent pas obligé·es de répondre. Mais on sait aussi que l’aspect télétravail plaît à beaucoup de gens aussi. Auprès de notre équipe, on n’était pas sûr au début si ça allait marcher ou non. Finalement, notre niveau de productivité a augmenté, les gens sont plus heureux·euses, côté santé mentale ça allait vers le mieux aussi. On a même pu réinvestir des sous que l’on avait dans l’espace physique, dans notre monde. On a donné des bénéfices aux gens, payé leur internet à la maison, ce genre de trucs-là.

 

AV – Est-ce que vous allez continuer le télétravail ou alors vous cherchez tout de même à réinvestir des locaux ? 

CP – Là on regarde potentiellement à retrouver un espace au centre-ville pour retrouver ce feeling là d’atelier commun et de collaboration. C’est pour ça qu’on cherche des locaux. On est en train d’évaluer quelle formule ça va prendre, car on ne demandera pas aux gens de revenir à 100% au bureau. Tous les setup sont faits chez les gens, on les a installés comme il faut, donc ça, ça va demeurer. Mais on veut une place où les gens sont à l’aise d’aller et faire des sessions de collaboration. On est en train d’explorer pour voir comment organiser ça hybride, continuer le télétravail mais se retrouver en gang en même temps et aller luncher tous ensemble. On cherche une place en centre-ville, même acheter un édifice ou quelque chose, investir dans notre avenir et le centre-ville. 

 

AV – Est-ce que tu aurais des conseils à donner pour les entreprises qui souhaiteraient passer totalement en télétravail ? 

CP – Mon seul conseil serait de juste le faire, de juste commencer. Certaines personnes font des listes et des listes pour préparer ce qu’elles vont mettre en place. Mais ce n’est pas comme ça que ça marche vraiment. Tu as besoin de t’y lancer, d’essayer, de mettre des systèmes en place, de t’ajuster au fur et à mesure. C’est un travail de design. En design, on parle de iterative design, c’est un travail cyclique où tu essaies quelque chose, si ça ne marche pas tu t’ajustes, puis après ça, ça revient au début et tu continues à faire ce cycle-là. Dans le design de son environnement de travail, c’est une méthode qui marche bien pour tout. Que tu essaies d’inventer une roue, de créer un site web, ou de créer un environnement de travail collaboratif en 2022 et bien il suffit de s’y lancer. Just start, just do it, arrête d’attendre que tout soit en place, il faut juste commencer et tu vas t’adapter au fur et à mesure. Sur tous les projets qu’on a faits, si j’avais su tout le travail que ça prendrait, je ne l’aurais probablement pas fait, donc sois naïf, vas-y.