La table carrée

Par Maude Labrecques-Denis
12 juin 2019 — Culture, Numérique — 2 min

Cette scène est imprégnée dans ma tête. Je ne sais pas si elle est totalement réelle ou si mon esprit l’a sublimée, mais peu importe : nous étions là et c’est ce qui compte.


C’était en février 2012, lors du tout premier colloque Avantage numérique. Vers la fin de la journée, on abordait la portion « concertation » de l’événement. De grandes tables avaient été disposées en carré au centre du Petit Théâtre, presque vide à cette heure. Nous étions 8 à 12 personnes assises autour, alimentant vigoureusement une discussion portant sur l’avenir du numérique en Abitibi-Témiscamingue. On parlait d’accès au matériel. De liberté de création. De financement. On parlait des limites de la diffusion, du défi de rejoindre les publics, particulièrement en milieu rural. On parlait d’internet haute vitesse, on se consternait devant l’immobilisme du dossier qui, malgré le bon vouloir généralisé, stagnait depuis plusieurs années.

Des sujets encore d’actualité 7 ans plus tard. Décidément, bâtir quelque chose, ça prend du temps…

La région regorgeait déjà de talents qui s’amalgamaient naturellement, parfois brièvement et parfois plus longtemps, autour de projets bouillants de créativité (la websérie Le stage de Kassandra d’Isabelle Rivest et Dominic Leclerc ainsi que Les chroniques de Jayan Moonshadow de Jean Caron faisaient d’ailleurs l’objet de présentations lors du colloque ).

Notre énergie remplissait la salle, pourtant vaste et vide vue de l’extérieur. La plupart d’entre nous avaient moins de 30 ans. Nous étions des artistes, des développeurs, des passionnés. Et nous étions tous animés par la même envie de faire notre marque dans cet Abitibi-Témiscamingue qui nous coulait littéralement dans les veines.

Il aura fallu attendre jusqu’en 2019 pour assister au deuxième forum Avantage numérique. Et comme le paysage avait changé!

L’événement s’étalait sur 3 jours. Les participants étaient nombreux, diversifiés en âge et en nationalité. En plus des conférences, qui nous branchaient sur ce qui se fait de plus hi-tech dans le monde, les professionnels de l’industrie locale (on a maintenant une industrie locale) se réunissaient dans des workshops (ça aussi c’est nouveau) pour parfaire leurs compétences et propulser leurs organisations dans cet univers numérique que nous apprenons encore à apprivoiser. Les invités de marque, véritables sommités dans leurs domaines, se fondaient aux participants et joignaient les échanges. Le milieu du savoir côtoyait la culture qui côtoyait les affaires. Même l’industrie minière et les arts s’amalgamaient dans un chassé-croisé étonnamment cohérent.

L’effervescence dont on rêvait sept ans plus tôt, ce potentiel brut qui attisait nos neurones et nous brûlait les doigts, se matérialise maintenant. Devant une telle agitation, je repense à cette citation de Guy Lemire, bien connue depuis son inscription au Parcours citatif de Rouyn-Noranda: « J’éprouve cette fébrile sensation d’ÊTRE À LA BONNE PLACE au milieu de GENS INNOVATEURS, JASEUX, PATENTEUX et AUDACIEUX. »

Au-delà de son propre émerveillement, je pense qu’il voulait dire que le développement, aussi numérique soit-il, prend le visage des gens qui le portent. Et à voir tous ceux qui étaient présents à Avantage numérique 2019… j’ose à peine imaginer l’envergure de la prochaine table carrée.